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DES DRAGONS DANS LES ORATOIRES !

Des dragons sont cités dans de nombreux textes théologiques très anciens, à commencer dans l’Apocalypse de Saint Jean, et sont fréquemment représentés dans l’iconographie chrétienne, tableaux, retables, fresques, statues, etc. terrassés par l’Archange Saint Michel, Le Chevalier Saint Georges, Sainte Marthe, Sainte Marguerite, Sainte Catherine, Saint Nicaise et de nombreux autres saints et saintes.
Le Dragon, c’est le serpent, le serpent ailé, le monstre, l’ennemi de l’homme, le mal absolu, autrement dit Satan.  Oui, on trouve donc des dragons dans les oratoires !

Le Dragon dans la Bible

Nous trouvons mention du serpent  dans l’Ancien Testament au chapitre de la Genèse, dans le Jardin d’Eden, ou Adam et Eve ont mangé le fruit défendu sur l’invitation du Serpent et Dieu dit  « J’établirai une inimité entre toi et la femme, entre ta race et sa race : Celle-ci t’écrasera la tête et, toi, tu la viseras au talon »  phrase communément illustrée dans l’iconographie chrétienne par la Vierge, la nouvelle Eve, qui, les pieds sur un serpent l’écrase et le soumet.
Dans l’Apocalypse de St Jean, le dragon, cette bête malfaisante pour les hommes, est citée plusieurs fois, notamment à chaque  fête de l’Assomption de la Vierge, le 15 août, le chapitre XII, on y parle  du dragon qui attend la naissance de l’enfant divin pour le dévorer comme représenté ci-dessous :


Ci-dessus, la Vierge et le Dragon de la magnifique Tenture de l’Apocalypse à Angers (49)

 « On à vu un grand signe dans le ciel, une femme vêtue de soleil, avec la lune sous les pieds et une couronne de douze étoiles sur la tête. Elle est enceinte, elle crie dans les douleurs en tourment d’enfanter  Et on a vu un autre signe dans le ciel : voici un grand dragon rouge avec sept têtes et dix cornes et, sur ses têtes sept diadèmes. Sa queue traîne le tiers des étoiles du ciel, et il les a jetées sur la terre. Le dragon se tient devant la femme qui va enfanter pour dévorer son enfant quand elle enfantera »  et plus loin au chapitre XX : « Et j’ai vu un ange descendre du ciel avec la clé de l’abîme et une grande chaîne dans la main. Il a tenu le dragon, l’antique serpent qui est le diable et le Satan, et il l’a enchaîné pour mille ans…… »

D’où vient le Dragon ?

On peut s’interroger quand à l’existence de ce monstre mythique terrestre et aquatique à la fois, au corps de serpent ou de saurien ailé, dont aucun spécimen n’habite notre terre aujourd’hui, ou n’a été vu par les auteurs antiques, égyptiens, babyloniens, grecs et latins, etc. Nous retrouvons là cependant les formes de certains animaux préhistoriques, les dinosaures, dont nous avons découvert les restes, mais que l’homme n’a pas pu connaitre selon les archéologues, et qui ne peuvent donc être dans le souvenir inconscient de l’être humain. Dans la préhistoire et l’histoire occidentale, le Serpent est l’ennemi numéro un de l’homme depuis le serpent primordial ‘ La Vouivre’  qui vit dans la terre et illustre les dangers qui menacent sans cesse les hommes, et dont découlent en Gaule particulièrement les légendes des femme-serpents, comme Mélusine etc.

Il s’agirait, selon Henri Dontenville, de traces des religions primitives de la Gaule, qui ont survécues dans  ce que l’on appelle la religion populaire, certes christianisée, mais avec des relents de superstitions transmises depuis des générations, par des souvenirs inconscients des terreurs des religions païennes. Nous sommes là dans un mélange de mythologie et de christianisme, avec des peurs inavouées qui ont perdurées bien après l’an mil. Ne pouvant éradiquer ces crédulités assez répandues en Gaule, l’église a due les canaliser et enseigner que le dragon, dieu païen, est Satan, le mal absolu qu’il fallait vaincre ce que St Michel et des Saints pouvaient seuls accomplir.

Représentations du Dragon

Ce dragon est toujours représenté sous la forme d’un saurien féroce muni d’ailes, d’allure très antédiluviennes et semblables aux dinosaures. Les lieux réputés habités par un dragon , sont généralement sur des cours d’eaux impétueux et autrefois dangereux à traverser ou a naviguer, des marécages ou pullulent les serpents ; on trouve sous différents noms des dragons célèbres, comme le Graoully à Metz sur la Moselle,  La Gargouille à Rouen sur la Seine, le Coquatrix, mélange de coq et de saurien à Troyes sur la Seine, le Machecroute à Lyon sur les bords du Rhône, Le Bailla à Reims, La Lézarde à Provins, La Grand’Goule à Poitiers sur le Clain, le Drac à Draguignan sur la Nartuby, le Coulobre à la Fontaine de Vaucluse qui logeait dans le gouffre, etc. et le plus célèbre d’entre eux aujourd’hui,  la Tarasque de Tarascon qui logeait sur les bords du Rhône et commettait ses méfaits en faisant déborder le fleuve et « en dévorant » les habitants qui vivaient sur les rives inondables. On notera à Draguignan, un quartier inondable au nord dénommé Dragon, et juste attenant au dessus le quartier Saint Michel situé sur la colline adjacente, et donc non inondable.


Le Graoully

La Grand'Goule

Le Machecroute

Le Coquatrix

L’Archange saint Michel est toujours représenté perçant de sa lance le dragon, comme on peut le voir au mont Gargano en Italie ou au Mont St Michel en France, ou le dragon terrassé,  représente le grand dieu des Celtes,  Gargantua, assimilé au diable par les évangélisateurs chrétiens. Gargantua résidait au mont Gargano comme au mont St Michel, et bien d’autres lieux ; ces deux sites comme d’autres se rapportant à Gargantua sont aujourd’hui surmonté de l’Archange vainqueur du monstre en le transperçant de sa lance.

Avec les Romains, Mercure se substitut à Gargantua, et l’on trouve aussi un St Michel terrassant le dragon sur l’église de St Michel-Mont-Mercure en Vendée ou un temple dédié à Mercure avait succédé à un lieu celte, comme en beaucoup d’autres lieux


Statue au sommet du clocher
de l’église de
Saint-Michel-Mont-Mercure

Cérémonies chrétiennes d’exorcisme du Dragon

Que reste-t-il aujourd’hui de ces croyances ou plutôt de ces légendes, dans la religion populaire chrétienne en France ? En fait il ne reste sans doute plus grand chose, pendant des siècles les évangélisateurs de la Gaule et les évêques ont du composer avec ces croyances, en encadrant des cérémonies de délivrance du monstre, ils ont su adroitement christianiser ces fêtes en faisant toujours appel à une légende ou un Saint courageux venu spécialement du moyen orient, comme Saint Georges, Saint André, Sainte Catherine, etc. ou bien un ancien évêque local mort en odeur de sainteté, comme St Clément à Metz, St Herrmentaire à Draguignan, Saint Victor à Marseille, St Honorat à Lérins, St Véran à Cavaillon, St Donnat à Sisteron, St Aredius à Gap, St Jean abbé à Tonnerre, St Nicaize à Moret, ,St Loup à Troyes, St Quiriace à Provins, St Marcel à Paris, St Romain à Rouen, St St Hilaire à Poitiers, etc. Ils ont toujours vaincu, enchainé ou tué le dragon pour délivrer les populations.
On a généralement attribué ces victoires à ces Saints et Saintes bien longtemps après leur mort.


Ci-dessus la procession du Graoully à Metz
au XVI siècle
.
Chaque année en ces lieux inondables, généralement le troisième jour des Rogations, se déroulaient des processions ou l’on promenait le mannequin du monstre enchainé, pour le repousser ;
Ces cérémonies étaient  toujours présidées par l’évêque pour christianiser ces anciennes pratiques païennes, mais au XVIIIème siècle le clergé interdit définitivement ces processions qui étaient souvent sources de débordements et n’avaient rien à faire dans le cérémonial chrétien. A Provins, les processions annuelles avec  le Dragon et la Lézarde, eurent lieu jusqu’en 1761.

Seules subsistes aujourd’hui comme à Metz, Reims ou Troyes, des fêtes folkloriques animant des semaines ou des quinzaines commerciales avec des dragons en cartons défilant dans les rues ou en plastiques suspendus dans les artères commerçantes de la ville. La plus animée et la plus connue aujourd’hui est celle de la Tarasque à Tarascon, fête populaire et folklorique très fréquentée pour son ambiance, et grand attrait touristique de la ville.


La fête du Bailla à Reims

Le Graoully dans les rues de Metz

La Tarasque à Tarascon

A Tarascon (13) le dragon nommé la Tarasque, « mangeait » beaucoup d’hommes lors des crues du Rhône et des inondations jusqu'à ce que Sainte Marthe qui avait débarqué aux Saintes-Maries-de-la-Mer avec les autres Maries, vint se fixer à Tarascon, ou suivant la légende, elle enchaina le monstre, délivrant ainsi la population d’une terreur antique. Le blason de la ville rappelle d’ailleurs cet évènement, et une statue dans un espace public, en matérialise le souvenir.              Ci-contre la statue de la Tarasque

A la Fontaine de Vaucluse (84) le Coulobre logeait dans le célèbre gouffre qui donne naissance à la Sorgue et la faisait régulièrement déborder causant de grands dégâts, détruisant des cultures et faisant des victimes, en « mangeant » des habitants. La maquette historique du Dragon, ci-contre, montre le monstre maitrisé par Saint Véran, alors évêque de Cavaillon.

Dans l’oratoire, le Saint est toujours vainqueur du Dragon!

Il existe un peu partout en France, de nombreux oratoires dédiés à St Michel Archange, à St Georges, à Ste Marthe, à St Véran, à St Nicaise, etc. tous terrassant le Dragon. Quelques exemples ci-dessous :

Des oratoires et des fontaines, vecteurs de dévotion populaire,  sont associés à la présence malfaisante des dragons pour appeler la victoire du Saint sur le serpent, sur le mal absolu.  
Ces édifices sont généralement situés près de sources ou de cours d’eaux, comme à la Roquette-sur-Siagne (06), au bord de la vallée jadis marécageuse du torrent aux crues très violentes.

Ci-contre l’oratoire St Georges construit à La Roquette/Siagne (06) par notre association, statue de Maryse Bravin.

On trouvait par exemple à Aix-en-Provence (13) l’oratoire St André, au lieu dit Le Rocher du Dragon, ou la bête maléfique dévorait les passants qui traversaient le marécage, jusqu'à ce que Saint André appelé en secours depuis l’orient tue le serpent. Ce rocher et l’oratoire, détruits vers 1625,  dominaient alors une zone marécageuse.

A Vaux-sur-Seine (78), la source dédiée à St Nicaise relate aussi la légende de ce monstre qui logeait là et rendait l’eau pestilentielle et inutilisable pour la consommation, aussi les habitants appelèrent-ils le saint à leur secours qui les délivra du monstre en l’enchainant et l’acheva d’un signe de croix et comme le dit la légende, il rendit l’usage de la source aux habitants!

Ci-contre la source de Vaux-sur-Seine qui fut transformée en lavoir.

Et de très nombreux autres exemples similaires existent un peu partout en France et ailleurs.

Bibliographie : Henri Dontenville, la Mythologie Française, Histoire et Géographie Mythique de la France, Extraits de diverses vies des Saints,

Texte Francis Libaud du 24 septembre 2014, publié dans notre Bulletin Oratoire N°30 de novembre 2014
Photos empruntées à divers sites Internet et à Wikipédia, et photos de Brigitte Hüe.


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